Réalisateur, scénariste et professeur, Jean-Marc Culiersi fait, pense et rêve le cinéma à travers un grand projet coopératif. Ainsi, nous avons eu la chance de longuement discuter de sa volonté de développer un cinéma plus écologique et social.
Cette volonté vient d’un désaccord avec « l’industrialisation du cinéma actuel » mais surtout du désir de créer un« cinéma d’utilité publique » afin d’être en accord avec le monde.
D’abord, il faut repenser le financement et sortir d’une pensée de la rentabilité afin de rentrer dans une «économie de la fonctionnalité et de la coopération» ce qui signifie créer des services et dépasser l’idée de prestations. C’est ainsi qu’entrent en jeu les associations, les entreprises et les collectivités qui travailleraient ensemble sur une thématique commune. Les territoires seraient donc au centre de la création qui se fera avec eux et à travers eux.
L’éco-production : l’enjeu permanent
Car en effet, la pensée coopérative de ce cinéma nouveau s’applique dès l’écriture. Pas de scénariste solitaire mais bien un travail commun sous forme d’atelier. Un thème est défini au préalable et expert·e·s ou encore citoyen·ne·s se sentant concerné·e·s, se réunissent, avec la présence de membres du tournage et encadré·e·s par un ou deux scénaristes pour écrire un scénario. L’exercice devient alors un moment de partage et de transmission où l’on pense déjà à l’éco-responsabilité : est-ce qu’un film entièrement tourné avec un éclairage naturel peut être envisageable ? cette cigarette est-elle réellement indispensable à tel moment ?…
L’humain comme point d’encrage du collectif
Le tournage arrive ensuite mais non sans préparation et ce à tous les niveaux. Des réunions organisées en amont et réunissant l’ensemble de l’équipe, définissent la façon dont le tournage devra se passer professionnellement et surtout humainement, ce qui semble essentiel pour Jean-Marc Culiersi : « Cela permet de prévenir tout mauvais comportement et de lutter contre la hiérarchie ». Cette dernière, selon le réalisateur, nuit à la production et à la créativité et son possible évincement passe d’abord par une réinvention des relations inter-professionnelles : « souvent le ou la comédien·ne est mis·e sur un piédestal alors qu’il faut une totale égalité entre les différent·e·s membres de l’équipe et il faut absolument ne plus utiliser le terme “assistant·e” ! ».
« Qu’un film devienne un évènement culturel et social »
Dans la suite logique des différentes étapes d’une production cinématographique, arrive enfin la diffusion et comme toutes les autres, elle ne peut que s’inscrire dans une démarche coopérative. La distribution classique d’un film est alors totalement remise en question : «il faut que la diffusion prenne son temps et se demander si les salles de cinéma sont les bons endroits », explique Jean-Marc. Des tiers lieux ou des médiathèques semblent alors plus adaptés aux débats, aux questions ou aux animations suivant la projection du film. L’exercice peut être violent et Jean-Marc en a conscience mais en vaut la peine selon lui car : « il permet de donner la parole au public et le faire vivre ».
« Pourquoi on est là ?»
Le projet a un sens seulement si tous les gens impliqués se sentent concerné·e·s. L’interrogation est constante autant sur son travail que sur le cinéma au sens large et va amplement au-delà de la réalité professionnelle. Comme le souligne son auteur, ce projet a pour but d’agir à travers le cinéma, sur les enjeux de transitions écologique et sociale dans un dépassement entier des individualités au service du collectif. Le passé et le présent ne sont pas reniés mais il y a foi en l’avenir, avec une seule idée en tête : « faire autrement ».