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L’envers du décor des Illusions.
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L’envers du décor des Illusions.
L’envers du décor des Illusions.

L’envers du décor des Illusions.

« Mon travail, c’est de me projeter dans un lieu qui ne fait pas forcément rêver et d’imaginer ce qu’on peut en offrir. »

Le 12 décembre dernier TéléSorbonne a eu l’honneur d’accueillir Riton Dupire-Clément, chef décorateur depuis vingt ans et lauréat du César 2022 pour la meilleure décoration du film Illusions Perdues de Xavier Giannoli, pour nous parler de son métier et de son travail à l’occasion de la projection du film en question le 13 décembre 2023 au cinéma Les 3 Lux. Il nous raconte son processus de création de décors.

Du réalisme littéraire au réalisme cinématographique

Le film est une adaptation de l’une des oeuvres fondamentales d’Honoré de Balzac. L’histoire se déroule dans les années 1830 et se compose autour de Lucien Rubempre, un jeune poète aux grands espoirs, qui prend la décision de quitter la province pour tenter sa chance à Paris. Alors qu’il se fait une place dans la Haute Société, Lucien est rapidement face à la réalité corrompue du milieu littéraire. Xavier Giannoli, réalisateur, souhaitait réaliser une adaptation de ce livre depuis plus de vingt-cinq ans. Il confie ainsi le travail de la reconstitution du décor d’un Paris du XIXe siècle à Riton Dupire-Clément, avec qui il avait collaboré pour le film L’Apparition. Le film se présente comme une adaptation libre de l’histoire. Pour faire cela, il faut maitriser l’œuvre balzacienne parfaitement. Ce qui amène à la première étape du travail du chef décorateur : la recherche Iconographique.

« Je suis un peu comme un chef d’orchestre, je fédère et lance les idées. »

La première chose à faire est de se documenter sur l’iconographie et de se renseigner de « manière approfondie » sur les éléments traités dans le livre. Par exemple l’imprimerie, le Paris pré-hausmanien, ou encore la société de l’époque. Tout les informations sont ensuite mises sur papier dans un livret « Xavier [n’avait pas encore le scénario] et s’est épauler [sur ce livret] pour l’écrire. ». La création de décor de cinéma, notamment d’époque, est un travail minutieux qui demande de grands moyens. L’un des plus emblématique du film pour Riton Dupire-Clément est la Galerie de bois, « c’est un challenge parce que c’était du jamais vu dans le cinéma ». La galerie des bois, explique-t-il, était un équivalent du marché aux puces. C’était un lieu de « plaisirs et de rencontres ». Le création du décor représente 2,5 millions d’euros.

Pour le chef décorateur c’est « un gros budget pour un film français mais ce n’est pas assez quand même ».

En effet l’équipe de décoration est composée d’une centaine de personnes : dessinateur.rice.s, documentalistes, graphistes pour les enseignes de magasins, calligraphes pour les journaux, constructeur.euse.s, peintres, tapissier.e.s, et accessoiristes meubles.

La seconde étape consiste à réfléchir aux ambiances et aux dessins. C’est à ce moment-là que les dessinateur.rice.s interviennent « il faut savoir expliquer sa vision des choses ». C’est uniquement à partir de cette étape que le réalisateur pourra par la suite imaginer le découpage des séquences. La moindre modification peut tout contraindre « ce serait une situation de crise, c’est pour cela qu’on doit se conformer aux dessins ». Ainsi, arrive la troisième étape : la création des décors.

La mise en pratique

L’histoire débute dans dans les dépendances du chateau de Balencourt. Le décor est réalisé depuis un garage « mon travail, c’est de me projeter dans un lieu qui ne fait pas forcément rêver, et imaginer ce qu’on peut en faire et de ce que je vais pouvoir en offrir à la mise en scène, c’est-à-dire pour nourrir le jeu des comédiens et le scénario. » L’intérieur du garage est volumineux et offre une large possibilité de travail : « à l’extérieur il faut transformer (…) centrer des portes en bois pour faire hangar et masquer ce qui es moderne avec les accessoiristes, [il a fallu amener] des machines en bois, des presses basées depuis un musée de la presse à Nantes ». Ces machines ont pu être empruntées grâce à un partenariat avec le musée de la presse de Nantes. D’autres machines ont été fabriquées. Pour ce qui est de la création des grands boulevards, elle a nécessité un travail préparatoire. D’abord « imaginer comment imaginer » le grand boulevard. Un autre enjeu notable dans la création du décor de cinéma c’est « penser » les divers mouvements de la caméra, ensuite imaginer les boutiques à faire « avec un système de fils et de perches » pour délimiter les différents espaces dans le boulevard.

« Il faut indiquer la draperie, la boulangerie, les portes d’entrées de chacun de ces espaces, de sorte que les figurants ne se retrouvent pas à faire du passe muraille a posteriori en VFX (effets spéciaux numérique) ».

C’est à ce moment que sont apportés les éléments des décors. C’est ce que le chef décorateur appelle « décorer le décor ». Enfin un travail d’élévation d’immeubles est réalisée. Il servira pendant les VFX (i.e. les effets spéciaux) à construire « en faux vrai » les immeubles à partir d’éléments photographiés au préalable à Paris.

« Deux lieux vont devenir qu’un seul, de toute façon le cinéma c’est que de la triche. On se débrouille, on a l’impression que c’est champs contre champs alors qu’ils sont à 5km. ».

Le travail en studio est complètement différent car il n’y a pas de base au préalable « on part de dessins, de plans… Les menuisiers vont assembler et démonter, les peintres vont faire les peintures et patines, l’équipe du meublage va meubler, s’occuper des tissus, des luminaires. »

Le but du décor en studio ou depuis un lieu reste le même. Bien qu’ils prennent place centrale au film « les spectateurs ne doivent pas se rendre compte que c’est du faux. Le décor doit s’oublier ».

Cependant, malgré la très grande charge de travail pour Illusions Perdues, Riton Dupire-Clément affirme qu’il s’agit du « projet le plus abouti et formidable [qu’il ait] fait. C’est une page blanche et une falaise à gravir. »

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